Diane Louise Lassonde PhD
Un nouveau cadre pour discuter de pratiques intégratives de santé à Genève
L’Association Genevoise de Médecine Complémentaire Intégrative – AGMCI a été créée en 2018. Elle prend la relève de l’Association genevoise des médecins homéopathes qui existait depuis plus de vingt ans. Deux personnes en sont les initiateurs : la Dr Zirbs Savigny, médecin interne générale, médecin de famille, Homéopathe FMH et le Dr Tido Von Schoen–Angerer, pédiatre et médecin anthroposophe.
Pourquoi une nouvelle association ?
Dr Zirbs-Savigny : La médecine intégrative déborde largement l’utilisation de l’homéopathie. Pour être en phase avec le développement de nos pratiques, il nous a semblé judicieux d’élargir le champ d’intérêt de l’association pour englober l’ensemble des approches complémentaires pratiquées ou auxquelles s’intéressent les médecins de Genève.
Pratiquer une médecine intégrative cela signifie quoi concrètement ?
C’est d’abord et avant tout soigner une personne en prenant en compte sa globalité et sa singularité. C’est aussi adopter une nouvelle attitude intellectuelle et professionnelle vis-à-vis de son métier en ayant à cœur de trouver les solutions les moins invasives, les plus efficaces et celles avec lesquelles le patient lui-même se sentira le plus à l’aise.
C’est d’abord et avant tout soigner une personne en prenant en compte sa globalité et sa singularité.
C’est de cette manière que l’on peut trouver la meilleure combinaison possible entre les outils de la médecine classique et les ressources des thérapies complémentaires.
Pourquoi cette approche demeure-t-elle minoritaire ?
L’approche intégrative ne fait pas partie de l’enseignement académique, nos institutions médicales hésitent donc à les intégrer dans les cursus de formation des jeunes médecins. Les préjugés tenaces sur les thérapies complémentaires et les médecines autres qu’occidentale ont la vie dure.
Comment changer cet état d’esprit ?
Par la sensibilisation des étudiants puis la formation des jeunes médecins. Il faut susciter l’intérêt chez les jeunes médecins en leur offrant la possibilité de suivre une formation et surtout, en abordant les thérapies complémentaires sans a priori négatif.
Quelle alternative à la formation actuelle ?
Peut-être faudrait-il adopter une formule par laquelle les médecins assistants seraient coachés en cabinet privé par un médecin expérimenté qui pratique une approche intégrative. Cette méthode d’apprentissage d’un junior travaillant proche d’un senior, avec partage d’expérience, est sans doute la meilleure dans un premier temps. Toutefois elle est difficilement applicable : trop chronophage pour le médecin tuteur, surtout en raison du manque de médecins seniors susceptibles d’agir comme mentors.
Quelles sont les conditions à remplir pour faire de la médecine intégrative ?
Tout médecin qui veut travailler dans une approche intégrative doit avoir une formation médicale classique et une expérience clinique suffisamment solides pour être à l’aise avec n’importe quelle situation. Il doit être capable d’établir un diagnostic sur des bases scientifiques avant d’envisager le traitement par une méthode complémentaire ou classique.
Tout médecin qui veut travailler dans une approche intégrative doit avoir une formation médicale classique et une expérience clinique suffisamment solides.
Ensuite, il doit disposer d’un cadre de travail professionnel, à savoir un cabinet équipé des outils essentiels pour pratiquer les examens de base exigés par une médecine moderne. La troisième exigence consiste à être formé dans une ou plusieurs médecines complémentaires selon les affinités et choix de chacun. Pour l’un ce sera l’homéopathie, pour un autre l’acupuncture, la médecine théosophique, ou d’autres approches encore. Certains médecins combinent plusieurs types de savoir-faire et d’outils.
La relation médecin-patient est-elle différente ?
Tout médecin bien formé, donc aussi bien ceux qui pratiquent une approche intégrative que la majorité des médecins classiques sont à l’écoute des patients. Ils ont conscience des effets placebo et nocébo qu’ils peuvent avoir sur un malade. On n’est pas dans une relation de pouvoir mais dans l’échange avec un patient qui participe activement à la décision thérapeutique. Quelle que soit la médecine pratiquée, la voix et l’attitude du médecin agissent comme le meilleur placebo qui soit. Tout médecin est capable, par ses paroles et par ses gestes, d’inspirer une profonde confiance au malade, de l’apaiser, de lui donner la force de guérir. Ce type d’attitude peut, en association avec le traitement, soutenir le processus d’auto-guérison qui contribuera de manière significative au bien-être, voire à la guérison du patient.
On n’est pas dans une relation de pouvoir mais dans l’échange avec un patient qui participe activement à la décision thérapeutique.
C’est une ressource puissante dont il ne faut pas se priver. C’est aussi un savoir-être qu’il faut cultiver par la pratique. Dans le passé tous les bons médecins de famille, les médecins de campagne adoptaient spontanément cette attitude. Ce n’est rien de nouveau mais il est important d’en redécouvrir les effets bénéfiques.
Quel rôle jouent les croyances des patients ?
Il y a des médicaments qui ont des effets spécifiques prouvés. Les attentes et les croyances des patients ne font qu’une faible différence dans leur efficacité. Bien plus souvent on observe que l’efficacité d’une technique ou d’un médicament peut être réduit ou amplifiée, voire supplantée, par les croyances du patient (effet placébo ou nocébo). C’est pourquoi on doit s’intéresser aux croyances de santé de nos patients afin d’utiliser au maximum tous les potentiels thérapeutiques. Entre plusieurs options dont l’efficacité est équivalente, il sera préférable de choisir une méthode en laquelle le patient aura confiance.
Médecins et thérapeutes complémentaires peuvent-ils collaborer ?
Je salue d’abord les efforts qui sont faits pour clarifier la formation des thérapeutes en Suisse. En établissant des normes, des examens et des diplômes la Confédération permet de définir les compétences des thérapeutes et non pas les renommées des écoles. Ce sera une excellente base pour établir, dans l’avenir, des partenariats entre médecins et thérapeutes. Les modalités d’une collaboration elles seront à définir en fonction de chaque cabinet. Travailler ensemble en cabinet privé est une option passionnante ; toutefois cela pourrait poser entre autres, des problèmes logistiques ou administratifs. Faire appel à un réseau de thérapeutes externes fait partie des autres options. Toutefois, dans cette option il sera plus difficile de contrôler le parcours de soins. Cette question mérite d’être discutée sous tous ses aspects.
Qui peut devenir membres de l’AMGCI ?
L’association est composée exclusivement de médecins, médecin
s de famille et spécialistes. La majorité exerce en cabinet privé ; cela ne constitue toutefois pas une condition d’adhésion. Les médecins hospitaliers et assistants en formation sont les bienvenus. Le souci est principalement d’assurer une homogénéité dans la formation de base (diplôme de médecin) des membres. Parler un langage commun et avoir des préoccupations de même nature permet en effet un vrai dialogue entre professionnels ayant une expérience clinique et une pratique médicale rigoureuse.
Quelles seront les activités en 2020 ?
Nous voulons mettre sur pied des Cercles de qualité*. Il s’agit de rencontres entre médecins et autres professionnels de la santé où les participants peuvent exposer des cas qui sont ensuite discutés par le groupe, de la manière de les aborder selon les techniques de médecins complémentaires intégratives. Cela peut aussi permettre d’aborder des problèmes communs à plusieurs participants, d’élaborer ensemble une approche thérapeutique commune. Par exemple une piste de réflexion pourrait être comment collaborer avec les structures hospitalières ou avec des médecins de premier recours dans l’optique d’intégrer des approches complémentaires.
Nous voulons mettre sur pied des Cercles de qualité. Il s’agit de rencontres entre médecins et autres professionnels de la santé où les participants peuvent exposer des cas qui sont ensuite discutés par le groupe.
D’une manière générale, l’AGMCI vise à favoriser les échanges entre ses membres dans le but de les aider à améliorer leur pratique et à aborder ensemble des problèmes auxquels ils sont confrontés dans leur pratique clinique. L’Association compte un petit nombre de médecins. Nous ne faisons pas de publicité par manque de temps et de ressources.
Les personnes intéressées peuvent contacter l’un des deux co-présidents :
- Dr Zirbs-Savigny : b.zirbs@hin.ch
- Dr Tido Von Schoen–Angerer : tido.von.schoenangerer@gmail.com
Photos: Pixabay, idd
*Cercle de qualité : Ce type de structure a fait son apparition dans les années 70 d’abord au Canada et aux Pays-Bas. En Suisse, les pionniers ont été les médecins et pharmaciens de Fribourg qui, dès 1997, ont décidé de travailler ensemble au sein de cercles de qualité. Ils ont fait la preuve qu’il s’agit là d’une méthode efficace pour la transformation et l’amélioration qualitative des soins ainsi que pur la maîtrise des coûts de la santé.
- https://www.sgaim.ch/fr/programme-liste-des-complications/qualite/cercles-de-qualite.html
- Cercle de qualité médecins-pharmaciens : https://www.revmed.ch/RMS/2004/RMS-2501/24083
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