Romaine Jean
Luc Recordon s’est passionné tôt aux médecines complémentaires. « Durant mes études, j’avais beaucoup d’amis en médecine qui y étaient favorables et se heurtaient au mur des scientifiques », dit le Président de l’Association romande pour le développement et l’intégration des médecines complémentaires, la RoMédCo. « Les propositions des homéopathes étaient systématiquement balayées. Comme physicien, ça m’agaçait profondément ». Le futur conseiller national puis conseiller aux états s’en souviendra au Parlement, où il défendra l’article constitutionnel de 2009. Il se bat toujours aujourd’hui pour favoriser les voies parallèles de soins et voit un rôle moteur pour la Suisse romande.
Parlez-nous de la RoMédCo. Que fait-elle ?
Luc Recordon: Il s’agit de l’antenne romande de la faitière suisse de médecine complémentaire. Sa création, il y a dix ans, est partie du constat que les Romands sont souvent des pièces rapportées dans les instances nationales et que les relais ne se font pas toujours bien. Nous réunissons personnels de santé et politiques, pour promouvoir les médecines complémentaires, auprès du grand public et des autorités. Il y a deux fois par année un journal, pour nos membres et nous organisons des conférences. Les thèmes peuvent aller du burn out à la médecine taoïste ou la méditation en pleine conscience en oncologie, en novembre à Genève.
Quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier en Suisse Romande ?
La médecine complémentaire a longtemps été inexistante dans les hôpitaux ou les milieux universitaires. Nous avons entamé une collaboration avec l’ancien Conseiller d’État Pierre-Yves Maillard et une chaire de médecine complémentaire a été ouverte à la faculté de médecine à Lausanne. Ainsi, j’y ai donné un cours ce printemps sur la vision politique, historique et citoyenne des médecines complémentaires.
La médecine complémentaire a longtemps été inexistante dans les hôpitaux ou les milieux universitaires.
Aujourd’hui, des progrès considérables ont été faits et l’hypnose est pratiquée dans les salles d’opération. La discipline est passée dans la médecine classique. C’est aussi la vocation de l’acupuncture. On le sait, chacun cherche aujourd’hui à se soigner différemment et les salons de bien-être et de nutrition, comme la Mednat à Lausanne, ont un énorme succès. Il y a aussi des centres très intéressants, comme La Pierre Blanche, à Estavayer, qui proposent des soins personnalisés. Mais, de fortes résistances subsistent, notamment aux Hôpitaux universitaires de Genève. Nous souhaitons pousser à l’ouverture d’une chaire de médecine complémentaire à l’université de Genève.
Pourquoi cette méfiance ?

Luc Recordon
Je pense que c’est dû à l’inculture scientifique de certains mandarins des facultés. Ceux-ci connaissent mal l’histoire de la médecine. Louis Pasteur, l’inventeur du vaccin contre la rage, s’est heurté aux mêmes problèmes, au milieu du 19ᵉ siècle et a été pris à partie par le grand physiologiste Claude Bernard. Ignace Semmelweis qui a découvert l’asepsie, est mort désespéré en 1865. C’est un grand classique de l’histoire des sciences : la sclérose mentale incite à croire que tout a été découvert.
Quelles sont vos exigences au niveau politique ?
Il y a encore beaucoup à faire pour que les médecines complémentaires deviennent partie intégrante du système de santé suisse. L’article constitutionnel de 2009 a été plébiscité, mais n’est pas contraignant. Il doit être mis en pratique partout. De plus, il y a également un gros problème d’approvisionnement en médicaments de médecine complémentaire et Swissmedic montre peu d’empressement.
Il faut aussi des réglementations plus uniformes, au niveau des cantons et des lois sanctionnant les charlatans qui nuisent à la profession.
Il faut aussi des réglementations plus uniformes, au niveau des cantons et des lois sanctionnant les charlatans qui nuisent à la profession. Le Conseiller fédéral Alain Berset a toujours eu une attitude d’ouverture face aux complémentaires. Nous avons cependant été déçus cette année par la délégation suisse à l’OMS, restée très en retrait, alors même que Genève pourrait devenir un centre de compétence mondiale pour la médecine complémentaire. La présence de toutes les organisations internationales sur son territoire s’y prête.
Vous soignez-vous par la médecine complémentaire ?
J’ai une malformation congénitale, mais n’ai plus eu besoin de soins depuis l’âge de 20 ans. Si j’avais une maladie grave, j’y réfléchirais. L’essentiel est de ne pas fermer la porte aux différentes approches.
Photos: CXIO, idd
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