Diane Louise Lassonde, PhD
Formé en pédiatrie, néonatologie et médecine anthroposophique, le Dr. Benedikt Huber travaille comme médecin adjoint à la clinique de pédiatrie de l’HFR Fribourg – Hôpital cantonal, où il est responsable pour le centre de pédiatrie intégrative. Il est co-fondateur du groupe d’intérêt de pédiatrie intégrative de la Société Suisse de Pédiatrie.
Interview du Dr Benedikt Huber
Quelle différence entre pédiatrie intégrative et pédiatrie conventionnelle ?
Dr Benedikt Huber: La pédiatrie intégrative répond à des critères qui dépassent ceux de la pédiatrie conventionnelle. Elle est centrée sur le patient et non sur la pathologie. Elle est multi-professionnelle dans le sens où elle peut impliquer des professionnels de santé de diverses spécialités. Comme toutes les spécialités médicales, elle est basée sur la science et répond à des exigences de rigueur, de preuves, de bénéfices et d’absence de risques adverses pour le patient. Enfin, elle porte une attention spéciale à la qualité de la relation entre le patient et le pédiatre, à la capacité d’écoute de ce dernier, à son aptitude à percevoir ce qui n’est pas explicitement formulé dans la plainte du malade ou de ses parents et à y répondre.
Quelle place donnez-vous aux thérapies complémentaires ?
La pédiatrie intégrative est une extension, un agrandissement de la pédiatrie conventionnelle car elle intègre des thérapies complémentaires dans les solutions quelle propose. A terme, il faut espérer que toute pédiatrie sera intégrative et que la distinction entre les deux n’aura plus besoin d’être.
Quel est leur intérêt en pédiatrie ?
Je vois trois grands avantages. D’abord, elles offrent une plus grande variété d’options thérapeutiques. Ensuite, elles permettent d’adopter des approches innovantes face à différentes pathologies pour lesquelles les solutions conventionnelles ne sont pas optimales, ou dénuées d’effets secondaires.
C’est une voie prometteuse pour stopper l’augmentation néfaste des tests et des traitements prescrits aux enfants.
Enfin, elles permettent une approche individualisée de nature à répondre de manière plus adéquate aux demandes et attentes des patients et de leurs parents. C’est une voie prometteuse pour stopper l’augmentation néfaste des tests et des traitements prescrits aux enfants.
Y a-t- il des domaines prioritaires ?
Le problème de résistance croissante aux antibiotiques, celui de la nature fonctionnelle et multifactorielle des maux de ventre, de même que les maladies infectieuses sont certainement des domaines où une approche intégrative est indispensable.
Quels solutions sont les plus utilisées ?
Les plantes sont les tout premiers médicaments de l’humanité. C’est une ressource de grande valeur. L’homéopathie, l’approche anthroposophique, les thérapies manuelles, l’acupuncture adaptées aux petits, la méditation de pleine conscience, et beaucoup d’autres thérapies peuvent être appropriées, selon les cas. Mais il n’y a pas que les thérapies qui comptent. On doit aussi s’intéresser au style de vie de nos patients, à leur contexte scolaire, à leur environnement social et naturel. C’est l’ensemble de ces éléments que nous devons appréhender
Quels critères faut-il respecter ?
Avant de recommander une thérapie, le pédiatre doit être suffisamment formé et disposer d’une information rigoureuse pour garantir qu’elle est efficace et qu’elle offre tous les gages de sécurité. Heureusement, en Suisse, nous disposons d’instances compétentes qui permettent de garantir le respect de ces exigences.
En Suisse, quelle est l’importance des MC en pédiatrie ?
La Suisse dispose de soins de haut niveau en matière de santé des enfants et des adolescents. Une enquête montre qu’il existe une tendance à l’accroissement de l’usage des médecines complémentaires en pédiatrie. En 2017, environ 30% des pédiatres y avaient recours.
Une enquête montre qu’il existe une tendance à l’accroissement de l’usage des médecines complémentaires en pédiatrie.
La demande des parents est forte. 97% des pédiatres reçoivent des questions sur les thérapies complémentaires et de plus en plus de parents disent apprécier cette ouverture, non seulement dans le cas de pathologies graves comme le cancer mais aussi dans le cas d’affections bégnines ou de problèmes fonctionnels.
Quantitativement, cela représente quoi ?
En 2020, seulement 31 pédiatres avaient un certificat complémentaire de l’ISFM en médecine complémentaire sur les 2’096 pédiatres spécialistes que compte la Suisse. Ce nombre est sûrement sous-estimé dans la mesure où on ignore combien offrent ou conseillent ce type d’approches à leurs patients sans être eux-mêmes formés selon les critères de l’ISFM. A terme, il est évidemment souhaitable que plus de jeunes pédiatres se forment aux thérapies complémentaires pour pouvoir développer leur spécialité dans un esprit intégratif.
A Fribourg, nous sommes des pionniers de la pédiatrie intégrative tant en milieu hospitalier qu’ambulatoire.
Actuellement, plus de 80% des pédiatres ne proposent pas d’autres approche que ce qu’ils ont appris à la Faculté, soit par manque de savoir, soit parce qu’ils pensent que ce n’est pas utile, soit parce que leur lieu de travail ne le leur permet pas. A Fribourg, nous sommes des pionniers de la pédiatrie intégrative tant en milieu hospitalier qu’ambulatoire.
Quels sont vos projets pour développer l’offre ?
En 2017, nous avons créé un groupe d’intérêt de la pédiatrie intégrative en Suisse (www.sigip.org). Nous voulons encourager la formation des jeunes et la recherche clinique. Actuellement, 86 pédiatres en font partie. En Suisse, les conditions tant pour se former que pour faire de la recherche sont excellentes. A terme, notre objectif est de démontrer que l’approche et les résultats de la pédiatrie intégrative sont de loin supérieurs à ceux de l’approche uniquement conventionnelle.
Qu’en pensent les pédiatres eux-mêmes ?
Ils ont tout à gagner à adopter une approche intégrative car elle prend aussi leur bien-être et leur satisfaction professionnelle en considération. Dans cette nouvelle orientation, ce qui compte ce ne sont pas seulement les traitements mais aussi les valeurs qui sous-tendent notre pratique. C’est pourquoi je pense que cela peut parler aux jeunes qui commencent leur cursus. Certes, ils apprendront des techniques mais aussi et surtout, comment parvenir à leur propre équilibre, comment devenir plus complètement humain. Vue sous cet angle, la pédiatrie intégrative est une merveilleuse aventure !
Photos: Pixabay, Benedikt Huber, HFR Fribourg – Hôpital cantonal
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