Romaine Jean
A Champex-Lac, en Valais, difficile faire deux pas dans la rue, avec le professeur Kurt Hostettmann, sans être arrêté par un habitant des lieux. Tout le monde connait ici, ce scientifique de réputation mondiale, aujourd’hui âgé de 77 ans.
La passion pour les plantes lui vient sans doute de ses origines. Il est né dans une famille paysanne, où l’on cultivait l’amour de la nature. Docteur en chimie de l’Université de Neuchâtel, professeur de phythochimie et de pharmacognosie aux Universités de Lausanne et de Genève, sa soif de connaissance a toujours été sans limite. « Je continuerai jusqu’à mon dernier souffle. Je n’ai jamais pris de vacances ! ». Il dispense encore des conférences, des formations, donne des cours à la chaire de médecine complémentaire de Lausanne, tout en publiant des livres qui s’arrachent et sont traduits dans toutes les langues. Il y en a une vingtaine et plus de 600 publications.
Son refuge, c’est Champex-Lac, dans le val d’Entremont, une station de montagne. Visiter le jardin botanique qui entoure son chalet, c’est parcourir un chemin féérique. Kurt Hostettmann est un puit de connaissances scientifiques, mais aussi historiques et ethnologiques, soutenu par une mémoire sans faille. « Là vous avez de la sarriette des montagnes, qui attire les abeilles, mais est excellente pour la digestion. Là c’est l’achillée millefeuille, qui soigne les blessures. On a retrouvé des traces de l’ADN de cette plante, dans les dents d’un homme du Neandertal. Je vais écrire un livre sur la pharmacopée de la préhistoire. Voilà l’argousier, qui contient le taux le plus élevé de vitamines C. Et un cèdre, que j’ai réussi à faire pousser à 1’500 mètres d’altitude ! Ici c’est le ginkgo biloba, une plante asiatique contre les troubles de la mémoire ».
Entretien avec Prof Kurt Hostettmann
Dites-nous Professeur, peut-on soigner toutes les maladies avec les plantes ?
Les plantes médicinales peuvent beaucoup, mais pas tout. La pneumonie bactérienne, dont j’ai souffert l’an dernier, ne se soigne pas avec des plantes. Les antibiotiques m’ont sauvé la vie.
Pour certaines affections respiratoires, des antibiotiques souvent administrés ne servent à rien.
Comme je le dis dans mon dernier livre « se soigner sans recours systématique aux antibiotiques », pour certaines affections respiratoires, les antibiotiques ne servent à rien. Le géranium du Cap, le thym, le lierre ou la primevère, peuvent soigner une bronchite ou une sinusite. Mais l’important est d’avoir le bon diagnostic. Et pour cela, en cas d’infections, il faut consulter un médecin.
Vous n’opposez pas phytothérapie et pharmas ?
Je collabore avec un laboratoire privé de pharma, qui s’intéresse à mes travaux, mais j’ai toujours tenu à être indépendant. Je pense qu’il faut une complémentarité.
Quels sont les dangers en phytothérapie ?
Le premier danger est la méconnaissance des plantes, que l’on cueille soi-même. L’ail des ours peut être confondu avec les feuilles de muguet ou le colchique d’automne. Une infusion de cette plante et vous êtes mort. J’ai, depuis toujours, une devise : tout ce qui est dans la nature peut être dangereux.
Les plantes médicinales peuvent beaucoup, mais pas tout. L’important est d’avoir le bon diagnostic.
Pour bien le rappeler à mes visiteurs, j’ai planté dans mon jardin de l’euphorbe de Corse, qui est extrêmement irritant. Si sa sève touche votre œil, vous risquez de le perdre.
Vous mettez en garde contre l’automédication ?
Oui. Des infusions d’épilobe peuvent aider à régler des problèmes prostatiques, mais ne peuvent rien contre un cancer de la prostate. Et puis attention aux interactions entre les médicaments synthétiques et les plantes ! Le millepertuis est excellent contre les sautes d’humeur, mais ne peut être pris avec des anticoagulants. On ne joue pas avec les plantes, il faut vraiment les connaître.
Que faites-vous pour vous maintenir en forme ?
Chaque matin, je râpe du gingembre dans de l’eau chaude, que je bois avec du jus de citron et du miel. Et je prends 15 baies ou du jus d’aronia, un puissant antioxydant. J’en ai fait une telle publicité que tout le monde en plante désormais dans la vallée ! Et chaque automne, je fais une cure de 6 semaines d’échinacée.
Votre épouse était une grande scientifique, chimiste également. Elle est décédée de la maladie d’Alzheimer, l’an dernier. Vous l’avez soignée par les plantes ?
Absolument, car pour l’instant le médicament qui soigne Alzheimer n’a pas encore été trouvé. J’ai sans doute réussi à ralentir la progression de la maladie, qui s’est déclenchée il y a 10 ans. Il y a trois plantes excellentes, le curcuma, les myrtilles et le romarin.
Savez-vous que les Grecs frottaient le front des enfants avec du romarin, pour favoriser leur mémoire?
Savez-vous que les Grecs frottaient le front des enfants avec du romarin, pour favoriser leur mémoire? Et que Shakespeare parle de ses vertus, dans Hamlet ! En 42 ans de vie commune, nous avons tout partagé avec mon épouse, et, jusqu’à la fin, elle me reconnaissait. J’ai beaucoup à dire sur Alzheimer et déteste ce qualificatif de démence que l’on accole aux malades qui en souffrent. Mon prochain livre sera sûrement sur cette pathologie.
Photos: Unsplash, idd
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1 Commentaire
absolument extraordinaire medecine de l avenir a connaitre et partager sans limites