De Romaine Jean
Aurélie Netz est anthropologue et a suivi durant des années des «femmes en quête de guérison». Le livre qu’elle vient de publier raconte le parcours de neuf d’entre elles, qui souffrent de maladies chroniques graves et qui ont trouvé aide et réconfort dans les médecines complémentaires et la spiritualité.
La maladie chronique a-t-elle un sens caché ?
Elles s’appellent Laure, Noémie, Amélia ou Jeanne. Leurs noms ont été changés mais leurs parcours de vie sont bien réels et donnent un signe d’espoir à toutes les personnes qui ont une maladie chronique. Laure souffre de mastocytose systémique. Elle est suivie par l’un des rares médecins qui connaisse cette maladie orpheline. «Je suis devenue un cobaye», dit-elle aujourd’hui. «On m’a fait ponction de moelle, IRM, scanner. Plus on me soignait, plus j’étais malade et j’en étais devenue dépressive.
« On m’a fait ponction de moelle, IRM, scanner. Plus on me soignait, plus j’étais malade. »
Un jour, j’ai pris tous mes médicaments et j’ai dit maintenant, stop, c’est fini.». Sa rencontre avec un chiropraticien a été déterminante. Il l’a invitée à relire sa maladie comme une forme de défense, une réaction à une enfance très traumatique, avec notamment des épisodes de violences sexuelles de la part de son frère. Laure a continué à enrichir son parcours par des croyances religieuses. «Alors qu’on me promettait la chaise roulante, l’AI et de la chimiothérapie, je me suis prise en charge, formée en Reiki, en sono thérapie notamment».
Chercher un chemin du salut
Jeanne, elle, souffre d’endométriose et après des années de menstruations extrêmement douloureuses, elle se fait soigner par l’hypnose ou encore les médecines chinoises. Puis elle explore les voies de la spiritualité, avec notamment la reconnexion avec la nature et des rituels de passages de saisons, qui l’ont aidé à surmonter sa maladie. Amélia a la trentaine et souffre de troubles bipolaires, dus à une enfance difficile. Son médecin psychiatre lui a prescrit du lithium. Elle a rencontré aussi Lucie qui pratique l’art-thérapie.
«Je suis admirative du parcours de vie de ces femmes, car elles transmettent l’espoir. »
Ce sera pour elle un chemin du salut. Les neuf femmes dont Aurélie Netz a recueilli le témoignage ont éprouvé dans leur chair des années d’errances thérapeutiques, des médicaments trop vite prescrits et souvent inefficaces. Elles se sont mis à chercher «quelque chose d’autre», d’autres voies aux côtés de la médecine classique, particulièrement en lien avec une certaine transcendance. «Je suis admirative de leur parcours de vie, car elles transmettent l’espoir», dit l’anthropologue.
Le livre
Femmes en quête de guérison – Spiritualité et résilience dans la maladie chronique. Aurélie Netz, Saint-Augustin, Avril 2023. ISBN: 978-2-88926-257-1
Vous trouvez des infos plus amples sur le site web d’Aurélie Netz https://aurelienetz.ch
Interview d’Aurélie Netz, anthropologue
En lisant votre livre «Femmes en quête de guérison», on a l’impression que chacun peut prendre en main sa maladie ?
Les maladies chroniques sont complexes à prendre en charge. Ces femmes, qui ont témoigné, ont cherché à comprendre ce que leur «mal leur dit». Est-ce simplement une manifestation biologique ou la maladie a-t-elle un autre sens? Est-elle une manifestation d’un vécu contrarié? A partir de là, elles ont cherché des voies de guérison. Laure, par exemple, explique qu’après une sono thérapie, elle a fait une prise de sang. Son médecin l’a appelée, très étonné, lui disant que sa formule sanguine avait changé.
Et que vient faire la spiritualité dans cette recherche ?
Ces femmes ont eu recours à des thérapies alternatives, mais en lien avec la spiritualité, qu’elle soit chrétienne, ésotérique ou encore néopaïenne. Cela a transformé en profondeur le regard qu’elles ont posé sur leur maladie.
« Les thérapies alternatives ont transformé en profondeur le regard qu’elles ont posé sur leur maladie. »
Plusieurs femmes ont, par exemple, redécouvert des violences enfouies dans leur conscience. Il faut aussi préciser que le fait de se reconnecter avec une communauté est très important, car la maladie isole.
Est-ce qu’il y a eu des échecs ?
Il y a eu des rechutes, des moments de souffrances intenses. Ces femmes ne donnent pas de recettes miracles, elles ne disent pas d’arrêter la prise de médicaments ou les traitements classiques. Elles continuent d’ailleurs pour la plupart à souffrir de leur maladie chronique. Mais elles ont trouvé des voies pour mieux l’affronter. La plupart d’entre elles d’ailleurs ont fini par devenir soignantes ou thérapeutes.
Comment ont-elles accepté de vous parler ?
J’ai déjà enquêté précédemment sur la spiritualité en Suisse romande, en prenant part à des groupes de paroles féminins. Les entretiens ethnographiques se sont inscrits dans la durée, entre 2016 et 2022. À chaque échange, des éléments nouveaux surgissaient. C’est une histoire très riche.
L’auteur Aurélie Netz
Aurélie Netz est anthropologue et a suivi un cursus universitaire en sciences des religions à l’Université de Lausanne.
Son travail de mémoire de Master a été publié en octobre 2019 par les éditions L’Harmattan : « Les cercles de femmes. Ritualiser l’identité de genre dans les spiritualités alternatives ».
Photos: 131213, Pexels.com / Aurélie Netz
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