Médecine conventionnelle ou complémentaire ou encore une combinaison des deux, peu importe : les personnes veulent un traitement qui agit. Et, la science veut mesurer l’efficacité des soins – une tâche souvent difficile et coûteuse. La raison d’investir dans les données probantes et comment les politiciens mésusent du terme en leur faveur.
par Lukas Fuhrer
Un traitement doit être fondé sur des preuves
Afin de pouvoir aider leurs patientes et leurs patients, les médecins et thérapeutes s’appuient sur des méthodes de traitement étudiées et éprouvées. Le terme technique pour cela est celui de données probantes : il faut l’existence de données probantes pour qu’un traitement médical soit appliqué, c’est-à-dire, il faut la preuve que la méthode aide le patient. Pour les médicaments usuels, cette preuve est souvent fournie par des études cliniques, mais celles-ci ne sont pas l’unique critère.
Les médecins doivent se référer aux meilleures études scientifiques dans leurs décisions de traitement – mais il est tout aussi important qu’ils y intègrent leurs propres connaissances et leur expérience pour interpréter correctement les résultats des études et les appliquer en fonction de chaque patient. Et il faut aussi tenir compte des souhaits et des besoins des patients qui doivent pouvoir prendre activement part au processus de guérison analyser avec leur médecin leur situation et les possibilités de traitement. Les données probantes ne sont pas que des études cliniques
Les données probantes ne sont pas que des études cliniques

Le Dr Pierre-Yves Rodondi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige l’Institut de médecine de famille.
Le modèle de la médecine fondée sur des données probantes, appelée aussi médecine factuelle, développé dans les années 1990 par le médecin canadien David Sackett, repose sur les trois piliers que sont les études cliniques, le savoir expérientiel des médecins et les souhaits des patients.
Cette médecine joue un rôle clé dans le développement de la médecine intégrative en Suisse, comme l’explique le docteur Pierre-Yves Rodondi, professeur ordinaire à l’Université de Fribourg et directeur de son Institut de médecine de famille : « Nous voulons appliquer aux méthodes de médecine complémentaire les mêmes standards que pour les traitements classiques.
Nous voulons appliquer aux méthodes de médecine complémentaire les mêmes standards que pour les traitements classiques. » Dr. med. Pierre-Yves Rodondi
Mais, comme il est impossible de procéder à des études cliniques pour de nombreuses méthodes, par exemple, parce que nous ne pouvons pas mener des études en double aveugle, nous devons collecter et étudier le savoir expérientiel des personnes traitantes et les valeurs empiriques des patients. »
Attaque contre l’assurance de base
Le Conseil national veut rayer les médecines complémentaires de l’assurance de base et créer une obligation de choix – les assurés ne pourraient ainsi plus tous se payer de la médecine complémentaire médicale. La Fédération de la médecine complémentaire Fedmedcom (Éditeur de Millefolia.ch) met tout en œuvre pour se battre contre cette mesure dans le Conseil des États.
Les expériences des médecins et des patients sont importantes.
L’acupuncture est un exemple parlant du savoir expérientiel collecté. La pratique médicale de piquer des aiguilles dans des flux énergétiques qui parcourent le corps, lesdits méridiens, existe depuis 3 000 ans déjà. Les résultats thérapeutiques sur des maux allant des douleurs chroniques1 aux migraines2 sont bien documentés, la somme des expériences positives rapportées confère des données probantes à la méthode.
Bien que, ou peut-être précisément à cause du fait que l’efficacité de l’acupuncture est attestée par des valeurs empiriques aussi bonnes, il a été grandement investi dans la recherche pour cette méthode, notamment aux États-Unis, dit Pierre-Yves Rodondi : « Le résultat aujourd’hui, par exemple, est que nous avons des études randomisées pour l’acupuncture qui a été mesurée par rapport à un placebo consistant à poser les aiguilles à une fausse place sans que le patient le sache. » Il existe aussi des études qui prouvent à l’aide de la tomographie par résonance magnétique (IRM) que l’acupuncture active certaines zones du cerveau avec une action positive sur les douleurs à soigner.

L’acupuncture a déjà fait l’objet de recherches approfondies, notamment concernant l’expérience des patients.
Il faut plus d’argent pour la recherche
Pour le professeur de médecine de famille, l’acupuncture illustre deux choses. Premièrement que le mécanisme d’action ne doit pas forcément être connu en médecine factuelle : l’acupuncture est incapable, encore aujourd’hui, de rendre visibles les méridiens avec lesquels elle opère – ils sont une théorie dont la plausibilité augmente avec le nombre de données positives de recherche sur la méthode.
Il manque, en Suisse, des fonds de recherches spécifiques. » Dr. med. Pierre-Yves Rodondi
En second lieu, cet exemple montre que l’augmentation des données probantes n’est possible qu’avec plus de recherche. Et, les mots du professeur sont clairs à ce propos : « Il manque, en Suisse, des fonds de recherches spécifiques pour les méthodes de médecine complémentaire et intégrative. Cela doit impérativement changer si nous voulons leur appliquer les mêmes standards qu’à la médecine conventionnelle. Il faut pour cela seulement une volonté politique. »
Pour un concept moderne de l’évidence
La Fedmedcom se bat pour de bonnes conditions cadres pour la médecine complémentaire, en recherche aussi. Et, elle prône, en politique et dans le travail médiatique et de relations publiques, une acception moderne des données probantes au niveau de l’enquête la plus récente, par exemple, par cet article, mais surtout au Parlement fédéral.
Dans des interventions politiques visant à affaiblir la médecine complémentaire, des politiciens contestent toujours aux médecines complémentaires leur efficacité en mettant sur le même plan données probantes et études cliniques – que ce soit par méconnaissance, mais, aussi, parce qu’ils instrumentalisent le terme pour leurs propres objectifs politiques. La Fedmedcom, ses 14 associations membres et la communauté de recherche en médecine intégrative contrent avec véhémence ces interventions.
Davantage de recherche – maintenant !
La Fédération de la médecine complémentaire s’engage au Parlement fédéral pour que la médecine complémentaire se voie enfin attribuer davantage de fonds de recherches. La médecine intégrative, la collaboration des médecines conventionnelle et complémentaire, est, en effet, un modèle de réussite en matière d’efficacité et de coûts, modèle qu’il convient d’encourager. La Fedmedcom fera déposer une nouvelle intervention parlementaire durant la session d’été.
Elle fait également déposer des interventions parlementaires dans tous les cantons dans lesquels des études de médecine humaine sont possibles. Il faut garantir l’attribution de fonds de recherche spécifiques pour la médecine complémentaire. L’encouragement de la recherche est un mandat constitutionnel que la Confédération et les cantons doivent mettre en œuvre – la Fedmedcom exige l’exécution de ce mandat dans les divers parlements par un travail ciblé d’information.
Vous pouvez lire dans ces articles, sur Millefolia, comment et où est menée la recherche en médecine complémentaire. Ainsi, pourquoi cette recherche est indispensable à une médecine fondée sur les preuves :
- La recherche avec le cœur, la main et l’esprit
- L’homéopathie est efficace – la recherche le montre
- Les demandes des patientes et l’expérience des médecins comptent aussi
Sources:
- Acupuncture for Chronic Pain: Update of an Individual Patient Data Meta-Analysis – National Library of Medicine
- Acupuncture pour la prévention des migraines – Cochrane Compact
Photos: rédaction Millefolia – Freepik.com-AI / Miriam Kollmann – mk-photography.ch /Wavebreak Media – Freepik.com /Freepik – Freepik.com
La médecine complémentaire a-t-elle besoin de plus de recherche ?
Après avoir lu notre article : que pensez-vous de la proposition selon laquelle la médecine intégrative devrait faire l’objet de recherches encore plus consciencieuses ? Veuillez partager vos expériences avec les autres lectrices de Millefolia !
Avez-vous aimé cet article?
Chaque petit don contribue à rendre possible de futures contributions. Merci beaucoup!